21 octobre 2009

Ségolène Royal, adepte du teasing politique.


Interrogée par Laurent Delahousse (hier soir sur France 2) dans le cadre de son émission « Un jour, un destin » sur une éventuelle candidature en vue de l’élection présidentielle, Ségolène Royal a répondu un habituel « je ne sais pas » laissant, dès lors, toutes les spéculations possibles à son égard. Force est de constater que par cette position, l’ex candidate se démarque une nouvelle fois de ses principaux concurrents tels Manuel Valls, François Hollande et Martine Aubry à l’ambition déclarée mais également de Vincent Peillon ou encore Bertrand Delanoë peu intéressés pour l’heure, paraît-il, par la question.

A trois ans à peine de l’échéance présidentielle, cette position est-elle pour autant étonnante de la part de celle qui se dit être « ailleurs », « dans un dépassement du PS » mais qui avait pourtant concédé en avril 2008 qu’elle « se préparait pour 2012 » ? Toujours aussi soignée et réfléchie dans sa relation atypique avec les médias, cette voie choisie par l’ex candidate est, en réalité, sans surprise tant celle-ci s’inscrit dans une stratégie (médiane) opérée depuis 2005, celle du « teasing » politique qui consiste (en plus d’attirer l’attention en permanence autour de sa personne) à tenir la presse en haleine et à acquérir ainsi de la valeur aux yeux des Français.

On se souvient notamment, en vue des primaires socialistes de 2006, de ses atermoiements presque caricaturaux qui verront l’ex candidate à la présidentielle se dire d’abord « dans une phase d’écoute », « prête au débat », « préparée » puis « candidate probable » avant qu’elle ne se lance officiellement. Un schéma rhétorique qui sera d’ailleurs reproduit à l’identique dans la course au poste de Premier secrétaire en 2008 démontrant, par la même, le talent de Ségolène Royal à rester continuellement sous les feux de la rampe. A l’époque en effet, la présidente de région « n’excluait rien », allait se « décider au moment venu », avait « l’intention d’aller jusqu’au bout » pour concéder qu’elle ne ferait pas de « sa candidature au poste de Premier secrétaire du PS un préalable » et finalement y aller avec le dénouement et la dramaturgie que l’on connaît.

Par conséquent, à l’heure où les journalistes s’étonnent de la position de Ségolène Royal, je ne suis pas surpris, quant à moi, par la dite stratégie, bien au contraire. Ce qui me surprend davantage en revanche, c’est le flop même de l’audience de l’émission « Un jour, un destin » consacrée à Ségolène Royal, elle qui a tant l’habitude de fédérer les Français autour de ses prestations télévisuelles que ce soit sur les plateaux du JT de 20h ou sur le divan rouge et si accueillant de Michel Drucker. En effet, l’émission présentée par Laurent Delahousse n’a recueilli que… 9,2% de part d’audience contre 31,5% pour les « Experts : Manhattan » sur TF1 ; 15,4% pour la série « Un village français » sur France 3 ou encore 15% pour « Desperate Housewives » sur M6. Dès lors, la marque « Ségolène » perdrait elle de son attractivité ? L’histoire qu’elle a su jusque-là nous conter avec dextérité et beaucoup d’émoi commencerait-t-elle à s’essouffler, à perdre de son intérêt et à lasser peu à peu les Français ? L’épisode des régionales qui se déroulera au mois de mars prochain sera déterminant pour la suite de la carrière de l’actrice Ségolène. Assurément. François B.

David Douillet : un poids lourd à l’Assemblée.


L’image est forte car singulière. Un sportif aussi célèbre et titré que David Douillet à l’Assemblée Nationale, cette séquence politique est (trop) rare pour que celle-ci ne soit pas relevée et aussitôt décryptée sur le plan de la communication. Evénement médiatico « peopolitique » de ce mardi (avec l’affaire Clearstream en filigrane évidemment), la première intervention parlementaire de David Douillet est intéressante :
- d’une part, parce qu’elle tranche sensiblement avec celle, plus vieillissante et apathique, des députés qui siègent d’ordinaire à l’assemblée. Par sa seule image empreinte d’esthétisme sportive, l’illustre judoka incarne en effet la jeunesse, l’envie, le dynamisme et plus largement le renouveau de la classe politique ;
- d’autre part, parce que le style Douillet, plus direct et surtout moins formaté, contraste avec celui plus académique et conventionnel de la salle Colbert. Le style est direct ; la lecture du texte énergique et fluide, la voix posée, le regard assuré et la posture résolument guerrière. Compte tenu de son gabarit hors norme (1m93, 130kg), ce nouveau « poids lourd » de la politique en impose forcément « sur classant » à l’écran ses petits camarades. Pleine de rassurance et de confiance, l’image est naturellement séduisante d’autant que l’hémicycle (nostalgie des grandes victoires sportives oblige) lui réservera une ovation aussi forte qu’attendue.

Après Dru, Bambuck et autres Lamour, voilà donc un nouveau champion qui fait son entrée politique et de façon légitime, c’est-à-dire avec le suffrage des citoyens. Par les temps qui courent, la performance mérite d’être soulignée. Mais le député de Poissy arrive surtout avec un capital « marque » d’une importance considérable :
- d’une part, (au-delà de la notoriété déjà acquise), David Douillet bénéficie d’une fantastique côte de popularité dans l’opinion, se retrouvant en effet toujours dans le top 10 des personnalités préférées des Français. Un atout de poids en politique. Dans l’imaginaire, le député de la 12ème circonscription des Yvelines renvoie incontestablement à son association médiatique avec Bernadette Chirac dans l’opération « Pièce jaune » ou encore à son engagement auprès de l’Unesco. Une image forcément attractive, génératrice de sympathie, de simplicité, de générosité, d’altruisme : soit un message fortement émotionnel.
- d’autre part, le quadruple champion du monde de judo peut s’appuyer sur son image et son passé de sportif, vecteurs de valeurs positives et projectives telles que la victoire, l’énergie, le dépassement de soi, l’abnégation, le possible incarnant de fait à merveille la promesse présidentielle (« Ensemble, tout devient possible). Pour l’heure, David Douillet incarne la belle histoire (une success story à l’américaine, à la Schwarzenegger ?) reprise et scénarisée forcément par l’UMP qui traverse une séquence politico médiatique des plus délicates entre l’affaire Clearsteam et Jean Sarkozy. David Douillet arrive donc au moment propice redonnant un peu de fraîcheur sur le marché politique. Il lui faut maintenant gagner en crédibilité. La politique est un métier ingrat et difficile. Les ovations sont plutôt rares. Bernard Laporte ou Frédéric Mitterrand peuvent en attester. Wait & see… François B.

http://www.youtube.com/watch?v=REjmXCYYY8E&feature=player_embedded

14 octobre 2009

Le débat « Bayrou vs Cohn-Bendit » : retour sur un clash télévisuel annoncé


Certes, cet événement date un peu (juin dernier) mais pour des raisons qui m'échappent encore aujourd'hui, je n'avais pas "posté" à l'époque cette chronique. La voici aujourd'hui (donc avec un peu de retard). En attendant un nouveau décryptage ces prochains jours d'un événement politique et le lancement prochainement, sur ce même blog, d'une nouvelle offre...


Le contexte politique en termes d’image.
> Assumant pleinement ses ambitions politiques, François Bayrou aborde le scrutin européen dans son habit de futur présidentiable pour 2012, soit une posture crédible, aux yeux des médias comme ceux de l’opinion publique, tant le président du Modem a su, depuis son score surprise de la dernière élection présidentielle, cultiver un positionnement spécifique sur l’échiquier politique : celui du « chef » de l’alternance, de l’anti-Sarkozy, en somme de l’omni opposant versus l’omni président.

> Daniel Cohn-Bendit, quant à lui, vit une campagne européenne des plus actives et des plus médiatiques due notamment à son association attractive avec Eva Joly et José Bové mais également à la tendance « écologique » (illustrée par le film « Home »), alors portée par les journalistes et relayée auprès du public, laquelle lui permet d’inscrire son offre politique dans l’ère du temps (répondant donc à une demande latente) et d’aborder ainsi le scrutin comme un outsider sérieux.

> A seulement quelques jours de l’échéance électorale, ce dernier grand débat, retransmis (qui plus est sur une chaîne publique) en prime time et regroupant toutes les couleurs politiques, offre alors aux deux protagonistes l’opportunité d’occuper l’espace et de s’imposer, à la veille de cette élection, l’un et l’autre comme le vrai « challenger » auprès des téléspectateurs électeurs. Deux styles, tout aussi intéressants pour le communicant, s’opposent aussi. D’un côté, le « chef de bande » Daniel Cohn-Bendit, brillant orateur, charismatique, convaincant et communicant. De l’autre, l’ambitieux François Bayrou, plus réservé et plus sage mais tout aussi perspicace, persévérant et déterminé.

L’analyse du débat sur le plan de l’image.
Jusqu’alors plus ou moins vif, le débat (« arbitré » bon an mal an par la journaliste Arlette Chabot) entre Daniel Cohn-Bendit et François Bayrou prend soudain une tournure étonnante, dans la forme comme sur le fond, lorsque le premier, au tutoiement facile et à la posture professorale (« Ce n’est pas de ton niveau », « Reviens sur terre, François ») porte une attaque cinglante à l’égard du président du Modem : « Je trouve çà ignoble [...] Je te dis jamais, tu ne seras président de la République. Tu es trop minable pour çà ». Sans doute surpris, sonné mais surtout vexé par une attaque qui remet finalement en cause sa stature et son image de présidentiable (soit sa valeur ajoutée en tant que « marque personne »), François Bayrou va alors répondre de manière excessive et inappropriée en s’inspirant des techniques de déstabilisation américaines basées essentiellement sur l’attaque personnelle et la vulgarisation de certains dossiers souvent gênants pour le candidat dans le cadre d’une campagne : « Je trouve ignoble, moi, d’avoir poussé et justifié des actes à l’égard des enfants que je ne peux accepter » répliquera l’ancien maire de Pau faisant alors référence à des propos datant de plus de 30 ans, sur lesquels son adversaire du soir s’est expliqué à plusieurs reprises.

Même si placer son interlocuteur dans le rôle qui le dessert, jouer du « non dit », créer le doute, donner l’impression de comprendre le contraire, jouer le recadrage, user de formules « choc » pour faire « mouche » constituent, lors d’un débat télévisuel, autant de techniques (connues des politiques et des communicants) pour « mystifier » l’adversaire, l’intervention (a priori non préparée) de François Bayrou apparaîtra, ce soir-là, comme hors sujet et disproportionnée, faisant du président du Modem un candidat manquant considérablement de sang froid. Les téléspectateurs découvriront en effet une nouvelle facette du personnage, celle-ci moins flatteuse et moins connue des Français mais surtout aux antipodes de celui qui, d’habitude si serein, se positionne loin de toute politique voire polémique politiciennes. En communication, rien n’est plus catastrophique que le décalage d’image.

L’exercice du débat télévisuel, cruel pour celui qui ne connaît pas les règles élémentaires, est un numéro d’équilibriste dans lequel le téléspectateur juge la forme et où le moindre défaut peut s’avérer fatal ! A la télévision, l’impact, positif comme négatif, en est très souvent décuplé. Par la prestation de François Bayrou, les Français ne verront donc qu’arrogance, défiance et hostilité. Dès lors, cet écart comportemental en décalage avec l’homme et sa dimension provinciale (originaire des Pyrénées-Atlantiques et éleveur) ancrée dans l’imaginaire collectif viendra casser et décrédibiliser son image de présidentiable. Comment, en effet, un homme qui se met dans tous ses états peut-il prétendre être un homme d’Etat ? Une fonction qui requiert justement hauteur, sérénité, retenue et demande aussi, dans le même temps, une certaine idée du rassemblement. Lui, « l’anti-Sarko », qui apparaît donc aux yeux des Français aussi comme « l’anti-Cohn Bendit ». N’est-ce pas là encore une faute de forme en décalage avec l’offre politique centriste dont la promesse de marque est justement de dépasser les clivages idéologiques pour pouvoir rassembler au-delà du parti ?

Porte parole d’une cause écologique à la mode (qui ne peut, par définition, susciter rejets), Daniel Cohn- Bendit prendra allégrement et stratégiquement le contre pied. Fidèle pour autant à son style direct et envolé qui fait désormais partie intégrante de son identité, le leader d’Europe Ecologie se démarquera de son adversaire en ne nourrissant justement pas la polémique (« arrêtons ces petits jeux qui ennuient les Français ») se voyant attribuer presque malgré lui le rôle de victime. Celui qui est perçu dans les études d’opinion comme sympathique (dû notamment à son air décontracté et son look d’éternel adolescent loin des standards de la politique) recyclera même, comme pour enfoncer le clou, de vieilles répliques aujourd’hui devenus cultes (« je ne suis pas ton élève », « tu n’as pas le monopole du cœur ») qui nous donneront presque l’illusion d’assister, un instant, à un débat de l’entre deux tours d’une élection présidentielle.

A vouloir (trop) personnaliser le débat, le président du Modem, quant à lui, donnera l’impression de s’inscrire dans un règlement de comptes, à l’image de ses nombreuses notes détaillées perçues à l’écran comme autant d’éléments à charge à l’égard de son adversaire (« on se téléphone souvent », « on se connaît depuis longtemps », « vous avez déjeuné trois fois à l’Elysée » au sujet de la complicité apparente entre le leader d’Europe Ecologie et le Chef de l’Etat). Conscient a posteriori de son erreur en termes de communication et du buzz négatif (notamment nourri par la classe politique), François Bayrou orchestrera la même semaine un plan média express, non pas pour faire son mea culpa mais bien pour tenter de clarifier et modérer ses propos.

Il est aujourd’hui difficile de dire (tant la tendance écologique a influé sur le vote) si ce débat a eu des conséquences directes sur le faible score du Modem au soir du 07 juin (Modem 8,67% vs Europe Ecologie 16,28%). En revanche, force est de constater que celui-ci a eu un impact direct sur l’image même du leader centriste puisqu’il perdra 15 points de popularité dans un sondage Opinion Way paru le 15/06/2009, soit une semaine après le débat. De là à dire qu’il y a un lien de cause à effet, il n’y a qu’un pas. François B.

9 octobre 2009

Frédéric Mitterrand ou l’exercice difficile de la prestation télévisuelle en temps de crise.


Avant de décrypter la prestation télévisuelle de l’actuel ministre de la culture et de la communication, il me semble important et capital de revenir sur le contexte, pour le moins « propice » et explosif, dans lequel « l’affaire Mitterrand » a éclaté pour des propos extraits d’un ouvrage (« La mauvaise vie », Ed. Pocket) datant pourtant de… 2005 (et dont les ventes de l’édition de poche explosent, paraît-il, depuis peu sur Amazon.fr). Plusieurs éléments contextuels me paraissent en effet essentiels :

- premier élément, la polémique a surgi dans la foulée de l’affaire Roman Polanski aussi controversée que passionnelle, laquelle a divisé, ces derniers jours, l’élite artistique et intellectuelle (plutôt clémente, dans un premier temps, à l’égard du réalisateur) et l’opinion publique (très pragmatique, quant à elle, compte tenu des faits reconnus et reprochés à l’accusé).

- deuxième élément, le positionnement même de Frédéric Mitterrand à l’égard de cette même affaire. Impulsif et (déjà trop !) émotif, le ministre de la culture avait alors réagi publiquement, de manière hâtive et surprenante, qualifiant l’histoire « d’ancienne » et les conditions d’arrestation « absolument épouvantables » : soit une première erreur de communication, selon moi, qui relevait essentiellement de l’affect et de l’émotionnel (à l’égard du réalisateur) mais qui faisait totalement abstraction des faits (pourtant reconnus) et de l’état de la victime. Soit une posture qui laissera d’ailleurs perplexe la majorité présidentielle (finalement peu solidaire à la suite de ses propos) qui resta étrangement silencieuse après cette déclaration.

- troisième élément, le contexte actuel au Front National en manque de visibilité sur la scène politique notamment en vue des prochaines régionales. En allumant la mèche la première et en faisant d’une affaire privée et personnelle une affaire politique, Marine Le Pen a non seulement occupé et gagné du terrain (médiatique) mais a surtout engendré quelques points supplémentaires dans sa quête de leadership.

- enfin quatrième et dernier élément et pas des moindres, le titre même de l’ouvrage « La mauvaise vie » dans lequel Frédéric Mitterrand livre une part de lui-même. Le poids des mots confère inéluctablement une force d’évocations et d’imaginaire. Il va d’ailleurs bien au-delà de la seule signification immédiate. Dès lors, les mots ont un sens surtout chez un homme de lettres comme le ministre de la culture. De fait, le titre du « récit » aux connotations péjoratives, sources inévitables d’ambiguïté et de confusions, laisse la place naturelle aux troubles et aux doutes, tout du moins aux interrogations spontanées et légitimes avant même son explication télévisuelle.

La forme maintenant est tout aussi intéressante à décrypter.
- premier point, le choix du média télévisuel et le tout puissant 20h de TF1 (qui réalisera ce soir là sa meilleure audience depuis le 19/03/09 avec plus de 8,2 millions de téléspectateurs et une part d'audience de 33,3%) pour venir s’expliquer et couper court à ce « torrent de mensonges et d’amalgames ». Le sacro saint plateau du 20h de Laurence Ferrari était-il finalement pertinent, le support le plus adapté, le mieux approprié pour passer ce type de message et optimiser son efficacité ? Ce canal cathodique n’a-t-il pas simplement vulgarisé et amplifié la polémique me rappelant, à ce propos, (même si le contexte était un peu différent) Dominique Baudis, lequel avait (par son passage maladroit et non maîtrisé au 20h de TF1) transformé une affaire locale en une polémique nationale. La question mérite donc d’être posée à l’heure où la quasi-totalité de la presse quotidienne (tel le Parisien de ce jour, peu convaincu, qui titre « L’affaire Mitterrand sème le trouble ») consacre sa « Une » à cette affaire. Au lieu d’attendre 3 jours en minimisant, à tort, l’impact des déclarations de Marine Le Pen, Frédéric Mitterrand n’aurait-il pas dû tordre aussitôt le cou à la rumeur et réagir (compte tenu de sa forte sensibilité émotionnelle) plutôt par voie de presse ou par le biais d’internet (via par exemple une web TV au contenu et au contenant mieux contrôlés) afin de renvoyer à l’opinion une meilleure maîtrise de la situation ?

- deuxième point, la prestation même de Frédéric Mitterrand. Costume sombre, visage grave, doigts crispés, regard fuyant, voix hésitante et vibrante, tenue courbée, l’auteur de « La mauvaise vie » et « accusé » d’un soir, est apparu à l’écran visiblement nerveux avec un mal à l’aise de circonstance, incarnant dès lors une posture de victime (n’hésitant pas à parler « d’injustice »). Le média télévisuel est un média cruel (car détecteur de fautes) pour celui qui ne maîtrise pas ses codes. Au-delà de la conviction attendue et des formules bien préparées qu’il convient de travailler, il importe surtout de bien présenter, de tirer le meilleur parti de la caméra et surtout de bien gérer ses émotions. Ce dernier point est capital quand on sait que 80% de la communication repose sur le non verbal. En effet, l’image emporte le contenu. Car dans ce schéma, l’image est le contenu. Paradoxalement pour un homme de média comme Frédéric Mitterrand, j’ai eu l’impression surprenante d’un homme peu préparé vivant même un exercice éprouvant (quid du media training ?), touché (presque au bord des larmes), fragilisé et emporté par une hyper émotion, une hyper sensibilité rare dans ce milieu : tantôt ému (« je suis ému », « j’ai peut être été trop émotif »), tantôt indigné (« C’est comme si vous n’aviez rien entendu de tout ce que je viens de dire » s’adressant à la journaliste). Soit une posture en décalage total avec ce qu’implique a priori la fonction de ministre (de la culture et)… de la communication. Oui de la communication, rappelons le. Par cette attitude comportementale, Frédéric Mitterrand a semblé ne pas être maître de lui renvoyant, de fait, l’homme à ce qu’il est foncièrement : un homme de lettres avant tout et non pas un homme politique, lequel (au contraire) aime l’adversité, le challenge et l’excitation de ce genre d’exercice télévisuel qu’il prend avant tout comme une opportunité pour rebondir et exister publiquement. Oui, la politique est « quelque chose de dur ». Aussi, le passage de l’ombre artistique à la lumière politique est parfois brutal.

Toujours sur la forme, la prestation du ministre de la culture fut par moments, par le choix de certaines formules, assez peu convaincante selon moi (j’attends d’ailleurs avec impatience des sondages précis et sérieux sur cette question). En effet, malgré sa ferme et claire condamnation du tourisme sexuel et de la pédophilie, Frédéric Mitterrand a semblé, d’une certaine façon, banaliser les faits évoqués dans son livre : « Une vie qui ressemble beaucoup à la mienne, comme beaucoup de gens » dit-il ; « On peut connaître ce genre d’erreurs […], qui n’a pas connu ce genre d’erreurs » ? Une réplique aussi maladroite que confuse qui ne viendra d’ailleurs pas répondre à l’objectif d’éclaircissement demandé. Pour autant, la stratégie de Frédéric Mitterrand est intéressante car finalement cohérente tant elle s’inscrit une nouvelle fois dans l’émotionnel et l’affect (Mitterrand avouera même penser à « [sa] famille, à [ses] enfants, à [sa] mère »). A l’écran, ce n’est donc pas le ministre qui s’est exprimé et livré si pleinement hier soir (« Ma part de vérité » titrera en ce sens Libération en référence à l’ouvrage de François Mitterrand) mais bien l’homme à « l’existence difficile et compliquée » avec ses faiblesses, ses failles, ses doutes, ses peurs… et naturellement ses erreurs. Venu chercher vraisemblablement le pardon, Frédéric Mitterrand, dans le même temps fier et ferme (« Je ne rajouterai l’indignité à l’injustice » concernant une éventuelle démission), s’est finalement confessé auprès des téléspectateurs et d’une Laurence Ferrari dans un rôle strictement journalistique loin de toute compassion et de complicité. « Erreur » avouée, à moitié pardonnée dit-on ou presque. Pourtant, l’image de « marque » du neveu du défunt président de la République reste néanmoins écornée car la forte exposition médiatique fut (sur un tel sujet) vraiment négative. Maintenant, quel sera l’impact de cette affaire sur l’électorat de droite (puis sur la suite de la carrière politique de Frédéric Mitterrand) ? C’est la question centrale que doivent se poser actuellement les conseillers de Nicolas Sarkozy. A suivre donc de très près à l'appui des prochaines enquêtes d'opinion. François B.

5 octobre 2009

Le « style » Merkel ou « l’anti marketing » comme positionnement marketing.


Angela Merkel a donc été reconduite pour la seconde fois à la tête du gouvernement allemand, ce malgré un score en demi teinte de son parti (CDU). Mais derrière le succès politique se dessine déjà une toute autre victoire, celle plus surprenante du « style » sur la communication. En effet, le positionnement marketing d’Angela Merkel est intéressant à décrypter tant la Chancelière a pris, ces dernières années, le contre-pied de la femme politique moderne, laquelle n’hésite pas, aujourd’hui, à faire de son corps un élément de différenciation. Un avantage concurrentiel. Autrement dit, une valeur ajoutée sur un marché dominé par une offre essentiellement masculine. Citons à titre d’exemple les cas d’école Ségolène Royal, Rachida Dati, Condolleeze Rice ou encore Cristina Kirchner qui ont su s’appuyer sur leur statut de « femme marque » et jouer de leur charme (source naturelle d’irrésistibilité) pour nourrir l’attractivité et gagner, à terme, l’adhésion de l’opinion. Notons que dans ce schéma, le discours non verbal est avant tout sensuel, émotionnel et esthétique. Dès lors, le contenant devient plus important que le contenu : le visage devient une promesse, le sourire et le corps un message. Chez la femme politique moderne en effet, le packaging (qui permet en marketing de positionner et clarifier l’offre) joue en définitive le rôle de média, attirant l’œil et éveillant le désir. Quand on sait que la politique est aussi une affaire de séduction, le ressort est imparable, d’où l’importance et le besoin de plaire en permanence donc de soigner et travailler le style vestimentaire, le regard, la voix, le sourire, la posture ou encore les gestes.

A l’inverse, le profil d’Angela Merkel est intéressant tant celui-ci ne s’inscrit pas dans cette logique stratégique et ne s’appuie pas sur les mêmes leviers de communication et de séduction. Pour peu, la Chancelière ressemblerait même à une femme politique dite « à l’ancienne » (serai-je tenté d’écrire) laquelle avait tendance, hier, à ne pas assumer sa féminité et, au contraire, à se masculiniser pour gagner en crédibilité aux yeux des médias et du grand public. Car l’originalité marketing de la « marque » Merkel tient justement à son positionnement « anti-marketing » : un parti pris qui n’intègre pas ou prou l’affect et l’émotionnel dans la communication ; refuse toute pipolisation de l’action politique (qui connaît à ce titre Joachim Sauer, son mari physicien ?) ; privilégie le fond à la forme ; préfère le terrain aux effets d’annonce ; évite la surexposition médiatique ; mesure les images et les formules ; rejette le spectaculaire et le sensationnel. En somme, un positionnement moins glamour. En définitive, moins « marketé » et moins « com » mais pour autant pas moins efficace.

Pragmatique, rationnelle, sérieuse (voire parfois austère), cette femme de 54 ans, divorcée et sans enfant, a su en effet imposer son « style » basé sur l’action dans la durée ; le contact direct et énergique avec les citoyens et l’obtention concrète de résultats. Soit, une stratégie de fond (menée avec constance et cohérence) qui a permis de crédibiliser son action politique, façonner une stature de leader et faire de la « marque » Merkel, à terme, une référence sur le marché politique : un gage de réassurance et de sécurité dans une séquence de crise, plus propice, en définitive, à l’émergence de ce type de profils. Mêlant autorité avec une certaine authenticité (renforcée par ses origines est allemandes), le style différenciant de Merkel étonne autant qu’il détonne. Une fois n’est pas coutume en effet dans notre société d’image et de spectacle, chez Merkel, l’idéologie l’emporte sur l’aspect émotionnel. La compétence remplace l’empathie. L’efficacité prime sur la séduction. L’expertise l’emporte sur le désir. Autrement dit, la politique prend le pas sur la communication. Dès lors, la Chancelière ne lasse pas. Ne s’épuise pas. Et ne se banalise pas. Mieux, son image de « marque » se nourrit de son action et donc se pérennise. En tous cas pour le moment. A suivre donc.
François B.