14 octobre 2009

Le débat « Bayrou vs Cohn-Bendit » : retour sur un clash télévisuel annoncé


Certes, cet événement date un peu (juin dernier) mais pour des raisons qui m'échappent encore aujourd'hui, je n'avais pas "posté" à l'époque cette chronique. La voici aujourd'hui (donc avec un peu de retard). En attendant un nouveau décryptage ces prochains jours d'un événement politique et le lancement prochainement, sur ce même blog, d'une nouvelle offre...


Le contexte politique en termes d’image.
> Assumant pleinement ses ambitions politiques, François Bayrou aborde le scrutin européen dans son habit de futur présidentiable pour 2012, soit une posture crédible, aux yeux des médias comme ceux de l’opinion publique, tant le président du Modem a su, depuis son score surprise de la dernière élection présidentielle, cultiver un positionnement spécifique sur l’échiquier politique : celui du « chef » de l’alternance, de l’anti-Sarkozy, en somme de l’omni opposant versus l’omni président.

> Daniel Cohn-Bendit, quant à lui, vit une campagne européenne des plus actives et des plus médiatiques due notamment à son association attractive avec Eva Joly et José Bové mais également à la tendance « écologique » (illustrée par le film « Home »), alors portée par les journalistes et relayée auprès du public, laquelle lui permet d’inscrire son offre politique dans l’ère du temps (répondant donc à une demande latente) et d’aborder ainsi le scrutin comme un outsider sérieux.

> A seulement quelques jours de l’échéance électorale, ce dernier grand débat, retransmis (qui plus est sur une chaîne publique) en prime time et regroupant toutes les couleurs politiques, offre alors aux deux protagonistes l’opportunité d’occuper l’espace et de s’imposer, à la veille de cette élection, l’un et l’autre comme le vrai « challenger » auprès des téléspectateurs électeurs. Deux styles, tout aussi intéressants pour le communicant, s’opposent aussi. D’un côté, le « chef de bande » Daniel Cohn-Bendit, brillant orateur, charismatique, convaincant et communicant. De l’autre, l’ambitieux François Bayrou, plus réservé et plus sage mais tout aussi perspicace, persévérant et déterminé.

L’analyse du débat sur le plan de l’image.
Jusqu’alors plus ou moins vif, le débat (« arbitré » bon an mal an par la journaliste Arlette Chabot) entre Daniel Cohn-Bendit et François Bayrou prend soudain une tournure étonnante, dans la forme comme sur le fond, lorsque le premier, au tutoiement facile et à la posture professorale (« Ce n’est pas de ton niveau », « Reviens sur terre, François ») porte une attaque cinglante à l’égard du président du Modem : « Je trouve çà ignoble [...] Je te dis jamais, tu ne seras président de la République. Tu es trop minable pour çà ». Sans doute surpris, sonné mais surtout vexé par une attaque qui remet finalement en cause sa stature et son image de présidentiable (soit sa valeur ajoutée en tant que « marque personne »), François Bayrou va alors répondre de manière excessive et inappropriée en s’inspirant des techniques de déstabilisation américaines basées essentiellement sur l’attaque personnelle et la vulgarisation de certains dossiers souvent gênants pour le candidat dans le cadre d’une campagne : « Je trouve ignoble, moi, d’avoir poussé et justifié des actes à l’égard des enfants que je ne peux accepter » répliquera l’ancien maire de Pau faisant alors référence à des propos datant de plus de 30 ans, sur lesquels son adversaire du soir s’est expliqué à plusieurs reprises.

Même si placer son interlocuteur dans le rôle qui le dessert, jouer du « non dit », créer le doute, donner l’impression de comprendre le contraire, jouer le recadrage, user de formules « choc » pour faire « mouche » constituent, lors d’un débat télévisuel, autant de techniques (connues des politiques et des communicants) pour « mystifier » l’adversaire, l’intervention (a priori non préparée) de François Bayrou apparaîtra, ce soir-là, comme hors sujet et disproportionnée, faisant du président du Modem un candidat manquant considérablement de sang froid. Les téléspectateurs découvriront en effet une nouvelle facette du personnage, celle-ci moins flatteuse et moins connue des Français mais surtout aux antipodes de celui qui, d’habitude si serein, se positionne loin de toute politique voire polémique politiciennes. En communication, rien n’est plus catastrophique que le décalage d’image.

L’exercice du débat télévisuel, cruel pour celui qui ne connaît pas les règles élémentaires, est un numéro d’équilibriste dans lequel le téléspectateur juge la forme et où le moindre défaut peut s’avérer fatal ! A la télévision, l’impact, positif comme négatif, en est très souvent décuplé. Par la prestation de François Bayrou, les Français ne verront donc qu’arrogance, défiance et hostilité. Dès lors, cet écart comportemental en décalage avec l’homme et sa dimension provinciale (originaire des Pyrénées-Atlantiques et éleveur) ancrée dans l’imaginaire collectif viendra casser et décrédibiliser son image de présidentiable. Comment, en effet, un homme qui se met dans tous ses états peut-il prétendre être un homme d’Etat ? Une fonction qui requiert justement hauteur, sérénité, retenue et demande aussi, dans le même temps, une certaine idée du rassemblement. Lui, « l’anti-Sarko », qui apparaît donc aux yeux des Français aussi comme « l’anti-Cohn Bendit ». N’est-ce pas là encore une faute de forme en décalage avec l’offre politique centriste dont la promesse de marque est justement de dépasser les clivages idéologiques pour pouvoir rassembler au-delà du parti ?

Porte parole d’une cause écologique à la mode (qui ne peut, par définition, susciter rejets), Daniel Cohn- Bendit prendra allégrement et stratégiquement le contre pied. Fidèle pour autant à son style direct et envolé qui fait désormais partie intégrante de son identité, le leader d’Europe Ecologie se démarquera de son adversaire en ne nourrissant justement pas la polémique (« arrêtons ces petits jeux qui ennuient les Français ») se voyant attribuer presque malgré lui le rôle de victime. Celui qui est perçu dans les études d’opinion comme sympathique (dû notamment à son air décontracté et son look d’éternel adolescent loin des standards de la politique) recyclera même, comme pour enfoncer le clou, de vieilles répliques aujourd’hui devenus cultes (« je ne suis pas ton élève », « tu n’as pas le monopole du cœur ») qui nous donneront presque l’illusion d’assister, un instant, à un débat de l’entre deux tours d’une élection présidentielle.

A vouloir (trop) personnaliser le débat, le président du Modem, quant à lui, donnera l’impression de s’inscrire dans un règlement de comptes, à l’image de ses nombreuses notes détaillées perçues à l’écran comme autant d’éléments à charge à l’égard de son adversaire (« on se téléphone souvent », « on se connaît depuis longtemps », « vous avez déjeuné trois fois à l’Elysée » au sujet de la complicité apparente entre le leader d’Europe Ecologie et le Chef de l’Etat). Conscient a posteriori de son erreur en termes de communication et du buzz négatif (notamment nourri par la classe politique), François Bayrou orchestrera la même semaine un plan média express, non pas pour faire son mea culpa mais bien pour tenter de clarifier et modérer ses propos.

Il est aujourd’hui difficile de dire (tant la tendance écologique a influé sur le vote) si ce débat a eu des conséquences directes sur le faible score du Modem au soir du 07 juin (Modem 8,67% vs Europe Ecologie 16,28%). En revanche, force est de constater que celui-ci a eu un impact direct sur l’image même du leader centriste puisqu’il perdra 15 points de popularité dans un sondage Opinion Way paru le 15/06/2009, soit une semaine après le débat. De là à dire qu’il y a un lien de cause à effet, il n’y a qu’un pas. François B.

2 commentaires:

  1. Je trouve cet article très pertinent et il déshabille bien le virage très mal négocié par François Bayrou. Si l'image "marque" positive de DCB risque selon moi de ne pas durer, celle négative de FB, découlant de cet evenement, risque de durer un peu plus...

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  2. cohn bendit a peut etre un coup à jouer pour 2012 meme si il dit qu'il n'est pas intéressé. je ne le crois pas. bayrou, il est foutu. a force d'tre dans l'opposition gratuite, il a tout perdu

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