1 décembre 2010

Nouvel Obs - Interview


Ci-dessous une interview que j'ai donnée suite à la déclaration de candidature de Ségolène Royal. Je vous joins également le lien vers le Nouvel Obs.


Dans son essai "Ségolène®, la femme marque" (Peau de Com, 2010), le publicitaire François Belley décrit la stratégie de communication de Ségolène Royal. Il souligne que son image est construite comme une marque, qu'elle se trouve au croisement de l'univers du marketing et de la politique. Interview.
Sur le même sujet


Ségolène Royal a annoncé sa candidature à la primaire du PS par surprise, en prenant tous ses concurrents de court. Qu'est-ce que cela révèle ? Trait de caractère, ou bien stratégie de communication pour cultiver sa différence ?

- Ségolène Royal a toujours été différente parce qu'elle a compris que pour exister politiquement, il faut exister médiatiquement. C'est pour cela qu'elle prend le contrepied du Parti socialiste, sur son positionnement ou bien en organisant une sorte de happening médiatique permanent. Il y a chez elle à la fois cette bonne compréhension du jeu médiatique, et aussi une personnalité hors norme qui bénéficie d'un certain feeling pour le contrepied et qui la rend de toute façon différente.

Est-ce un atout ou bien est-ce que cela peut inquiéter l'électeur ?


- Ségolène Royal a un atout de taille, c'est qu'elle a un positionnement spécifique, perçu comme tel par les Français. Elle a un positionnement de marque, dans le sens où elle a un vrai territoire et qu'on la reconnaît comme ça. Ce territoire, c'est la proximité, l'émotion, l'aspect participatif de la politique. C'est son fond de commerce, son ADN. Et c'est ce qui rend son nom identifiable sur le marché par rapport aux offres politiques concurrentes.

Ce positionnement est plutôt bien perçu. Depuis 2007 et son échec à la présidentielle, elle aurait pu disparaître du paysage politique. Mais au contraire, elle a réussi à rester attractive aux yeux des militants socialistes en 2008, lors du congrès pour la direction du PS. Nous sommes désormais en 2010 et elle existe toujours dans les sondages. Certes, elle a perdu son statut de leader, mais elle reste challenger. Elle existe toujours parce que dans l'esprit des gens, elle correspond à une marque, à un territoire, à un positionnement. Contrairement, peut-être, à Martine Aubry, qui a du mal à gagner du terrain, à François Hollande ou même à Dominique Strauss-Kahn.

Vous dites que Ségolène Royal est une marque. Quels en sont les caractéristiques ?

- La marque Ségolène Royal a quatre caractéristiques. D'abord, c'est une femme. Cela peut paraître banal de le dire, mais c'est son identité, c'est ce qui fonde son originalité et elle a capitalisé à outrance sur ce point.

Deuxième marqueur de son territoire de marque : la notion de proximité. D'ailleurs, notons qu'elle a choisi la presse régionale pour annoncer sa candidature, avec deux quotidiens qui sont diffusés dans la région Poitou-Charentes, son "laboratoire". Ségolène Royal s'inscrit en permanence dans cette dualité : la région contre Paris; les militants contre la rue de Solférino; les Français contre les élites.

Troisième élément: l'aspect émotionnel. La politique avec Ségolène Royal, c'est l'émotion avant tout.

Le quatrième point, c'est son approche participative de la politique. C'est tellement ancré dans son identité de marque que désormais, quand on aborde la notion de participation et d'approche collaborative, on y associe aussitôt le nom de Ségolène Royal. Cela correspond à l'idée que la politique ne se fait plus seul mais avec les Français. D'où sa volonté, lors de l'annonce de sa candidature, de s'inscrire d'abord dans une phase d'écoute avec eux. Elle n'est donc pas dans une logique marketing dite de l'offre, contrairement à Nicolas Sarkozy qui propose sans cesse de nouvelles propositions pour créer le débat politico médiatique mais, au contraire, dans une logique marketing de la demande où pour construire son offre politique (c'est-à-dire son programme) et se vendre, elle s'appuie systématiquement sur les attentes et les préoccupations du public. En somme, un cas d'école de marketing politique.

Mais au-delà du positionnement de marque, il y a la vérité de la personne qui l'incarne. On a ainsi pu voir, chez Nicolas Sarkozy, un hiatus entre l'homme en campagne et l'homme au pouvoir. Chez Ségolène Royal, quel est la part de vérité dans sa posture politique ?

- C'est difficile de répondre car il faudrait connaître la personne, et je n'ai pas eu la chance de rencontrer Ségolène Royal. Je ne peux donc pas juger de son authenticité et de la véracité de son engagement. Plus généralement, j'ai tendance à croire que nous sommes dans une société d'image où le signe l'emporte sur le sens, de spectacle permanent, dans un monde où les médias sont omniprésents. C'est pourquoi le calcul prime, la forme supplante le fond, et que donc la part de spontanéité est réduite. La question du "vrai" en politique, n'est donc pas tellement pertinente tant l'authenticité et les intentions de ses "acteurs" sont souvent difficiles à cerner.

Cela implique donc une méthode et un entourage pour l'aider à conserver les caractéristiques de la "marque" Ségolène Royal.

- Bien sûr. La seule différence avec Nicolas Sarkozy, c'est que elle, elle ne le dit pas. Mais elle s'est entourée de publicitaires, des meilleurs spécialistes du marketing et des relations publiques. Par exemple, Ségolène Royal s'est entrainée à poser sa voix. Mais cet aspect n'est pas assumé. Peut-être parce qu'à gauche, culturellement, on n'aime pas trop dire que l'on travaille son image. Ségolène Royal est très bien entourée, et en même temps elle sait le cacher.

Dominique Strauss-Kahn aussi est conseillé par des publicitaires depuis longtemps. C'est désormais très courant. Tout le monde a son "spin doctor", son publicitaire ou son marketer. La différence de Ségolène Royal avec ses concurrents, c'est qu'elle est, sur le marché politique français, la seule marque forte identifiable. Ségolène Royal est une marque qui se suffit à elle-même. Elle dépasse le PS, elle n'a pas besoin de l'étiquette du parti pour séduire. La seule référence à son nom suffit pour adhérer ou non.

Même les marques, ça nait et ça meurt. Qu'est-ce qui peut être un obstacle vers une destinée présidentielle ?

- Ségolène Royal est dans une phase de maturité. Si on fait l'analogie avec le marketing, disons que la phase de croissance a eu lieu en 2006-2007, jusqu'à la présidentielle. La maturité, c'est l'apogée de la notoriété. En se hissant jusqu'à la dernière marche avant l'Elysée -le second tour de la présidentielle-, elle a connu le summum en terme de notoriété, de crédit, de confiance.

Désormais, l'enjeu est de ne pas décliner. Elle doit donc retrouver de l'attractivité. Pour cela, elle doit préférer la qualité et la fonctionnalité du produit -si on va au bout de l'analyse marketing- plutôt que la nouveauté du produit.

Avant 2007, c'était du désir. Ségolène Royal était originale parce qu'elle apportait de la fraîcheur et de l'originalité sur le marché. Maintenant, elle doit capitaliser sur les propositions, sur une vision idéologique peut-être, et en tout cas sur sa capacité à faire campagne, sur son expérience. En somme, elle doit apporter enfin du contenu à sa marque. Elle doit parvenir à un équilibre entre le désir et la confiance.

En cas de nouveau duel Sarkozy-Royal, ce serait un peu : "on refait le film". Cela ne peut-il pas jouer en défaveur de Ségolène Royal face aux autres prétendants socialistes ?

- Mais c'est très français ça, que le perdant d'hier soit le vainqueur de demain. Il n'y a qu'à voir Mitterrand et Chirac. S'il y a un nouveau duel entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, compte tenu de la crise et de la déception envers Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal a toutes ses chances de prendre sa revanche. D'ailleurs, l'enjeu de la primaire socialiste n'est-il pas que le vainqueur a de fortes chances de devenir le prochain président de la République ?

Interview de François Belley par Baptiste Legrand

(le mardi 30 novembre 2010)

Lien vers l'interview du Nouvel Obs.

2 commentaires:

  1. Ta gueule

    http://www.youtube.com/watch?v=90e-xEnzulQ

    RépondreSupprimer
  2. Sympa le titre. Je suis un grand amateur de musique, alors n'hésite pas.

    RépondreSupprimer