17 février 2012

"La France forte" : débrief


La conception d’une affiche publicitaire est toujours un exercice difficile, elle l’est encore plus, pour les communicants, lorsqu’il s’agit de vendre un produit déjà connu, massivement utilisé et dont l’image est aujourd’hui (aux yeux des consommateurs), pour le moins, détériorée. C’est avec une certaine impatience donc que j’attendais le positionnement stratégique de la marque « Sarko ». Résumé en 1 affiche (déjà très détournée sur les réseaux sociaux), le voilà donc. Débrief.

>Premièrement, les mots. L’accroche s’appuie sur 2 notions clés :
- D’une part, la notion de « France », laquelle vient apporter à la candidature « Sarko » une dimension collective, non partisane, « au-dessus des clivages et des clans ». En s’inscrivant comme le candidat d’un pays plus que d’un parti, celui à qui l’on reproche d’avoir une approche trop personnelle de la fonction présidentielle, prend ainsi le contre-pied. En réalité, ce parti pris stratégique vient surtout adoucir la tonalité de l’interview donnée au Figaro Magazine (jugée très voire trop à droite) et dans le même temps exprimer la volonté du « Président candidat » de revenir vers le « peuple » (le recours au referendum allant aussi en ce sens), autrement dit dans le « réel ».

- D’autre part, la notion de « force », laquelle vise à mettre en avant le « plus produit » du candidat (ses traits de personnalité) pour se différencier fortement de son principal adversaire (F. Hollande) souvent taxé d’incarner une gauche « molle ». En s’appuyant ainsi sur la crise qu’il dramatise stratégiquement, N. Sarkozy « contextualise » évidemment son message en se positionnant comme l’homme de la situation (car d’expérience) : c’est en effet l’image du « capitaine » de navire employée cette semaine au JT de TF1. Cette accroche est donc intéressante puisqu’elle traduit la valeur ajoutée de la marque « Sarko » : soit le volontarisme, l’action et l’initiative. Par rapport aux autres slogans de la campagne (« Le changement, c’est maintenant »/Hollande, « Un pays uni, rien ne lui résiste »/Bayrou), c’est celui qui en dit le plus sur le candidat. Pour moi donc, ce slogan est certes très simple mais il respecte selon moi la règle d’or des « 3 C » : court (3 mots), clair (compréhensible de tous) et cohérent (c’est-à-dire lié à la « perception » du produit mis en avant).

>Deuxièmement, l’image. 2 remarques :
- la première concerne, le regard du candidat. S’inspirant de l’affiche de Mitterrand 1988 (« La France unie ») plutôt que celle de VGE de 1981 (« Il faut une France forte »), N. Sarkozy ne fixe pas l’objectif du photographe, préférant en effet se tourner vers l’horizon et s’inscrire dans l’avenir. Parti pris risqué. N. Sarkozy ne gagne ni en sincérité (en fuyant le regard de l’électeur) ni en sympathie (sourire à moitié forcé), en revanche, il renvoie l’image d’un capitaine serein, en apparence maître à bord et de son destin.





- la seconde concerne l’arrière plan de l’affiche. Autant, je trouve les mots intéressants (car ils collent bien au candidat), autant je trouve que l’image choisie ne véhicule pas là le message souhaité. Les communicants ont sans doute trop voulu illustrer le message « serein+déterminé » à la manière de la force tranquille. Du coup, l’image d’un Président « rassembleur », au-delà des clivages, ne passe pas. C’est dommage. Car l’homme apparaît seul, presque perdu dans la mer. L’affiche aurait peut-être gagné en intérêt/force et le candidat en proximité si celui avait été entouré de « vrais gens » de la « vraie vie ». Cette piste a sûrement dû être présentée par les publicitaires en charge du budget « Sarkozy ». Mais aujourd'hui, les maquettes prennent sûrement la poussière dans le bureau des stagiaires ;-). Belley.




Sur ce sujet, ci-dessous une interview que j'ai donnée au quotidien "20 minutes".
http://www.20minutes.fr/presidentielle/881443-affiche-campagne-nicolas-sarkozy-la-grande-inspiration-mitterrandienne

1 commentaire:

  1. Analyse très intéressante. Je partage et ajoute que le fond de l'affiche risque lui être "fatal". J'aimerai connaître celui qui lui a conseillé... surement pas un ami !

    RépondreSupprimer