13 février 2012

‘Mélenshow’… ou l’apogée de la « politique spectacle ».


Il agresse beaucoup, agace souvent, amuse parfois, mais qu’on le veuille ou non, J.L Mélenchon, par sa personnalité atypique et son style singulier, crée l’événement, donne du rythme et assure bel et bien LE « spectacle » de cette campagne présidentielle. Résultat : des audiences records dans les médias et même dans les meetings où les curieux se mélangent maintenant aux militants pour assister (enfin) in vivo au « Mélenshow ». Il aura donc fallu à peine 3 ans, et son départ éclair en 2008 du Parti Socialiste, pour que la « marque » Mélenchon, à l’appui d’une stratégie de communication bien ficelée, passe de l’ombre à la lumière, s’affranchisse habilement du système puis se façonne, aux yeux de l’opinion, une nouvelle image : celle d’une offre politique à la fois « hors linéaire » et crédible. Alors à quoi est dû le succès de J.L. Mélenchon qui, à défaut (pour l’heure) d’endosser l’habit du fameux « 3ème homme », constitue de toute évidence la surprise de cette campagne présidentielle. Selon moi, 3 éléments de réponse lesquels dépassent largement l’aspect politique et idéologique du candidat :

- D’abord, « l’homme » s’inscrit dans une conjoncture de crise particulièrement aiguë, toujours propice à l’émergence de personnalités fortes, à la fois « grandes gueules » et « anti-establishment », donc volontiers « populistes », n’ayons pas peur des mots. Candidat miroir, J.L. Mélenchon a su très vite sentir l’air du (mauvais) temps pour s’approprier un territoire de marque spécifique, celui de la « révolte », de la « colère » ou encore de « l’indignation », lui permettant de se positionner clairement sur le marché comme LE candidat « anti système ». Dès lors, chez lui, tout est fait, en permanence, pour nourrir l’image du « résistant » et incarner la promesse de son parti : « faire front ». D’abord, sa posture physique, toujours soigneusement agressive, laquelle est symboliquement bien illustrée par le « doigt pointé » devenu depuis « son » signe distinctif. Ensuite, ses répliques chocs et imagées, lesquelles visent moins à « clouer le bec » de ses interlocuteurs que marquer les esprits pour être massivement reprises des médias. Enfin, ses cibles privilégiées politiques, journalistes, banquiers, sondeurs et maintenant le CSA, auxquels (pour certains) il conseille (cf : titre de son dernier ouvrage) de « tous s’en aller ». De fait, J.L. Mélenchon s’inscrit dans le mythe du schéma qui plaît, celui du « petit contre les grands » défendant la voix du peuple, les sans grade, autrement dit ces « invisibles » qu’il souhaite enfin « rendre visible ». Problème : JL. Mélenchon, à la fois rebelle et victime, n’est pas seul sur le créneau porteur de « l’anti système ». En face, il y a en effet M. Le Pen qui (historiquement par son père) occupe le même positionnement stratégique. Aussi, à la manière de B. Tapie et de J.M Le Pen dans les années 90, ces deux nouveaux « jumeaux du populisme » (pour reprendre le titre de l'ouvrage de T. Saussez) assurent le « spectacle » faisant de leur opposition surtout médiatique, un match « front contre front », où les coups, tel un mauvais match de boxe, sont souvent portés au-dessous de la ceinture. Avec d’un côté, le leader du Front de Gauche, souhaitant « frapper frapper frapper » son adversaire l’insultant de « semi-démente » ne comprenant « rien à la France ». Et de l’autre, M. Le Pen, pour qui J.L. Mélenchon est devant les caméras « un grand comédien » mais en off un « homme charmant, affable, presque un petit garçon ». Dans cette société du spectacle avide de joutes oratoires, le jeu des 2 acteurs est jusque-là parfait.


Zapping Mélenchon - populisme par zapping_Melenchon

- Ensuite, Jean-Luc Mélenchon est, ce qu’on appelle dans le milieu journalistique, un très très bon client, homme d’image, de communication comprenant et maîtrisant comme personne les médias, leurs codes, leur univers et fonctionnement. Avec J.L. Mélenchon en effet, la petite phrase (celle qui va faire mouche le Jour J, être reprise le lendemain par les journalistes pour créer l’événement autour du candidat), si elle est souvent attendue, est toujours donnée avec une extrême générosité. Aussi, même si l’ancien socialiste s’amuse à taper en permanence sur les journalistes, ces derniers s’inscrivent paradoxalement avec lui dans une relation moins masochiste que « gagnant-gagnant ». Chez Mélenchon, le succès tiendrait donc, selon moi, davantage à la forme soignée qu’au contenu même de son discours. Car au fond, c’est son style direct et sans concession qui intéresse et rend le personnage aussi attractif. Le style « Mélenchon » est en effet en rupture TOTALE avec l’offre politique existante. D’abord, J.L. Mélenchon cultive l’anti-langue de bois comme personne. A l’appui d’un discours ultra personnalisé (par l’utilisation massive du « je »/ «moi »), JL. Mélenchon tend à être perçu comme un candidat qui s’engage là où habituellement l’acteur politique est trop souvent distant, éludant les questions gênantes, parlant pour ne rien dire et délivrant coûte que coûte les mêmes messages, loin des réponses attendues. Bousculant les codes, pourtant plus que jamais en vigueur, du politiquement correct, le leader du Front de Gauche met, lui, volontiers les pieds dans le plat. Aussi, sur un marché vieillissant, J.L. Mélenchon apparaît comme neuf, vrai et authentique. Ensuite, J.L. Mélenchon rejette toute forme technocratique lui préférant à la place un discours ultra populiste. Plus que les autres, Mélenchon n’hésite pas en effet à s’appuyer sur un discours populaire, un parler vrai, « à la manière de… » en usant et abusant d’expressions imagées, d’éléments de langages communs parfois même à la limite du vulgaire. Cette stratégie du « réel », illustrée par la normalisation de sa rhétorique, permet au candidat, en plus de gagner en proximité, d’être plus facilement compris donc écouté. Son discours devient audible et résolument plus moderne.



- Enfin, J.L Mélenchon est, reconnaissons-le, un excellent orateur, un tribun fantasque et génial, sans aucun doute (depuis le retrait J.M. Le Pen ) le meilleur de l’actuelle scène politique. Sur les « planches » de la politique française, J.L Mélenchon tient la rampe comme personne et porte à merveille le masque de l’acteur jouant son texte avec talent. En le vivant et en étant ainsi habité, le leader du Front de Gauche paraît sincère donc crédible. Comme disait D. Diderot à ce propos : « les comédiens font impression sur le public, non quand ils sont furieux mais quand ils jouent bien la fureur ». Aussi, JL. Mélenchon a compris que les Français ne s’intéressaient pas à la pièce, non parce que le texte n’était pas bon mais bien parce que le jeu de ses acteurs était franchement mauvais. Au théâtre comme en politique, « chaque orateur doit au public le masque du personnage au titre duquel il prend la parole : le masque est une construction intellectuelle, physique et vocale, attendue dans l’inconscient collectif du public ». Alors, J.L. Mélenchon s’attache à soigner particulièrement la forme de toutes ses interventions en gardant une constance, celle du candidat écorché vif, énergique et volontiers agressif (avec ses interlocuteurs), soit des traits contribuant à nourrir à la fois son positionnement et son charisme. Aussi, pour marquer les esprits et « accrocher » son auditoire, JL. Mélenchon peut donc compter à la fois sur sa posture physique de combat (le poing levé, le doigt pointé et le regard vif), de mâle dominant et son talent d’orateur. Ainsi, J.L. Mélenchon harangue puis réveille les foules en excellant dans l’art de la formule, du détournement mariant à la fois l’agressivité et l’humour générateur à la fois de désir (d’action) et de sympathie autour du personnage qui de fait devient digne d’intérêt. Convaincu, il devient dès lors très convaincant. Sur le style, Mélenchon c’est l’anti-Morin, l’anti-Joly. A l'inverse, c’est le « Nanard » (comprenez B. Tapie) d’extrême gauche avec la même gouaille propre aussi au tribun. Aussi, quand je m’amuse autour de moi à demander à des "non militants" les raisons pour lesquelles ils sont sensibles au candidat J.L Mélenchon, ils me répondent bien souvent : « Parce qu’il se passe quelque chose ». Mais quid de son discours ?

En réalité, J.L. Mélenchon correspond tout à fait à l’image de la société d’ultra communication dans laquelle nous vivons, « une société spectacle » où le signe fait sens et où la forme l’emporte bien trop souvent sur le fond. Le leader du Front de Gauche illustre donc bien l’adage présidentiel selon lequel on vote d’abord pour un homme (autrement dit sa personnalité) plus que pour un parti.

RIDEAU.

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