Claude Serillon, journaliste tempétueux et ami historique de François Hollande, vient de prendre ses fonctions officielles de "spin doctor" du président. Auteur supposé du "Moi président", le nouveau monsieur communication de l'Elysée va-t-il parvenir à faire bouger la com' présidentielle ?
Atlantico : Claude Sérillon, journaliste
réputé pour sa liberté de ton et son franc-parler, prend officiellement
ses fonctions de « monsieur communication » de l’Elysée. Qu’est-ce qu’un
journaliste aguerri qui a subi à titre personnel les caprices du
pouvoir politique peut apporter à la communication du président
Hollande ?
François Belley :
L’apport potentiel de Claude Serillon à la communication du président
Hollande est avant tout le recul nécessaire à la fonction d’homme
d’Etat. Tous les hommes et les femmes qui sont appelés à de si
hautes fonctions que sont celles de secrétaires d’Etat, de ministres ou
de président de la République doivent bien s’entourer mais doivent avant
tout simplement s’entourer. Certains politiques sont convaincus
qu’une fois nommés ils seront de bons communicants et pourront
continuer à sentir le pouls de la France mais c’est faux et avec le
temps ils finissent toujours par manquer de recul. C’est bien
pour cela que les agences de publicité existent et que les entreprises
ne font pas leur communication elles-mêmes car les publicitaires, en
étant loin du corporatisme interne de leurs clients, peuvent à souhait
analyser le marché et la concurrence avec objectivité. C’est la même
chose en politique.
Claude Serillon est
plus qu’un proche de François Hollande puisqu’il est littéralement
présenté comme l’un de ses amis et c’est probablement ce qui fait
l’intelligence de ce choix. Le meilleur des communicants, s’il est un
mercenaire, ne pourra jamais dire ce qui ne va pas avec autant
d’honnêteté que le fera un ami. Il est de coutume de dire dans
le milieu de la communication que le meilleur des conseillers en
communication politique est celui qui n’est pas payé, qui n’a rien à
perdre. L’absence d’argent est une image mais celle-ci témoigne du fait
qu’un bon conseiller ne doit pas avoir besoin de protéger son
statut sans quoi il deviendra mauvais par le fait qu’il dira à son
« conseillé » ce que celui-ci voudra entendre. Qui d’autre qu’un ami à
la parole désintéressée peut vous dire sans peur que votre cravate est
mal mise depuis trois mois ? De plus, Claude Serillon est de
ceux qui connaissent parfaitement François Hollande puisqu’il
l'accompagnait dans les petits déjeuners où se créait un comité de
pilotage fait de fidèles et ce jusqu’au duel du deuxième tour qui
constitue le combat suprême de la communication politique. On lui attribue notamment certaines formules comme l’anaphore « Moi président ».
Enfin,
Claude Serillon apportera son expertise de la presse, plus largement
des médias, des agendas, de la politique, des fonctions d’image, du
spectacle de par ses interventions auprès de Michel Drucker et
particulièrement de la mise en scène du spectacle politique.
La personnalité sans concession et grande gueule de Claude Serillon peut-elle au contraire desservir la communication de l’Elysée ?
Claude
Serillon en tant qu’ancien journaliste très médiatisé et habitué aux
feux de la rampe va devoir fournir un effort pour rentrer dans son rôle
de communicant pour homme politique et donc dans l’ombre afin de ne pas
desservir la communication du président Hollande. Je pense que son brief est très simple et qu’il le connaît : être invisible et silencieux tout en étant omniprésent,
se satisfaire uniquement de sa patte que l’on ne tardera pas à
reconnaître dans les discours et les postures. La communication
politique est un sale boulot dans lequel on travaille énormément pour
une reconnaissance publique très faible voire nulle et dans lequel il va
lui falloir mettre son ego et son emprise médiatique de côté.
La question sera aussi de savoir si monsieur Serillon
se positionne en tant que communicant ou comme un véritable « spin
doctor ». Le terme est assez mal connoté en France et amène tout de
suite à penser aux exemples anglo-saxons de Karl Rove, conseiller ultra
contesté mais ultra influent des deux mandats de Geoges W. Bush, et de
Alastair Campbell qui avait l’oreille de Tony Blair. En France, le
dernier grand exemple, si l’on exclut Jacques Séguéla qui était plutôt
un communicant ponctuel, était Jacques Pilhan qui a accompagné François
Mitterrand et Jacques Chirac tout en maintenant cette dualité de
l’influence et de l’ombre.
Claude Serillon est en réalité un proche historique de François Hollande et il semble qu’il lui ait dispensé ses conseils depuis la campagne présidentielle. La possibilité d’une nouvelle communication est-elle donc morte dans l’œuf ?
La
normalité de François Hollande n’a pas été une erreur mais il semble
qu'un cap en terme de communication a visiblement été atteint. Elle
correspondait parfaitement à la nature de François Hollande, plein de
bonhomie, quelque chose de chiraquien qui contrastait avec le style
Sarkozy qu’une grande partie des Français ne supportait plus.
Ainsi, François Hollande a pu créer une double rupture, d’abord au sein
du PS au sein duquel flottait encore l’ombre d’une candidature
potentielle de Dominique Strauss-Kahn et ensuite avec la posture
volontariste et proactive de Nicolas Sarkozy. Plus qu’une erreur
de communication le maintien du personnage de président normal est
plutôt un hésitation, un manque total de style qui
contraste une fois encore avec la cohérence de Nicolas Sarkozy qui
depuis le ministère de l’Intérieur jusqu’à sa défaite en 2012 a maintenu
le cap de son personnage public. L’erreur d’Hollande est donc
d’être resté ce qu’il est qui l’a d’abord servi et le dessert maintenant
car il lui manque des attributs comme l’autorité et le charisme qui
sont des thèmes qui reviennent comme ce que les Français attendent d’un
chef d’Etat. Le président Hollande doit donc se trouver plutôt que
singer Nicolas Sarkozy en allant à Rungis ou dans une usine car un style
politique n’est crédible que si vous l’inscrivez dans le temps sans
quoi apparaît cette sensation d’hésitation qui ressemble à de
l’amateurisme que cela en soit ou pas.
D’une normalité qui ne sied pas au statut présidentiel à une visite à Rungis dans les pas de l’hyperprésident Sarkozy, quelle marge de manœuvre reste-t-il à la communication Serillon-Hollande ?
La
mission de Claude Serillon va être de « vendre » un nouveau Hollande,
président et bien installé dans son siège maintenant que la période
d’essai des trois mois est largement dépassée. Il faut
donc se détacher complètement de la posture de normalité qui avait été
stratégiquement choisie pour sa proximité avec le vrai François Hollande
et son intérêt stratégique contextuel. En effet, on ne sent
pas en François Hollande une soif de pouvoir qui existe magré tout, sans
quoi il n’en serait pas là, que dégagent Nicolas Sarkozy ou Manuel
Valls. Ce que recherchait probablement le président Hollande en
allant à Rungis était de prendre l’initiative du rapport médiatique
comme le faisait son prédécesseur. C’est là qu’est le grand défi
médiatique de François Hollande et Claude Serillon, d’être dans l’action
et non plus dans la réaction, de se débarrasser de cette image de
personnage un peu à la traine sur les dossiers et qui suit les
journalistes plutôt que l’inverse. Il va leur falloir trouver
une sorte gravité médiatique exigée par la fonciton présidentielle et
celle-ci pourrait passer par l’action de terrain qui est pour l’instant
trustée par Manuel Valls et la séquence ultra médiatisée d’Arnaud
Montebourg. Il va devoir renforcer une image de chef de troupe à
laquelle échoue Jean-Marc Ayrault.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure
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