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28 mai 2013

Ce que le départ de Frigide Barjot va changer pour la Manif pour tous !

INTERVIEW SUR ATLANTICO DU 28.05.2013
 
Absente de la manifestation de dimanche contre le mariage homosexuel, Frigide Barjot estime que "la Manif pour tous a fait son temps" et que le mouvement est "récupéré".



En quoi sa personnalité et son parcours atypique ont-ils donné de la force à ce mouvement ? En quoi ont-ils pu le fragiliser ?
Frigide Barjot est arrivée au bon moment, elle a répondu à un vide politique alors que les Français n’avaient plus confiance en leurs hommes politiques et que l’on faisait face à une vraie crise du politique dans notre pays, toujours en vigueur d'ailleurs. Sa position extérieure lui a donné la chance de s’exprimer sans langue de bois, notamment grâce à son personnage hors norme.

Elle est devenue la figure majeure du mouvement, car elle a comblé un vide à droite alors que des tensions opposaient François Fillon et Jean-François Copé. Le fait que Frigide ne fasse pas partie du sérail politique l’a mis au-devant de la scène, devant Christine Boutin par exemple.
Ce qui est particulier dans ce mouvement, c’est qu’une cause très politique ait été portée par une personne non politique, médiatique et communicante plus écoutée même que les personnalités politiques. Cet aspect-là a renforcé le mouvement, l’a rendu plus abordable. Même si c’était un mouvement "d’antis", elle a réussi à le rendre festif. Cependant Frigide Barjot, par sa position apolitique particulière, a trouvé les limites de son placement neutre au moment des débordements.

Sa façon de faire le show autour de la Manif pour tous a-t-elle contribué au succès des manifestations ? A contrario son personnage a-t-il pu décrédibiliser une partie du discours des opposants ?
Frigide Barjot est une bonne cliente, elle clive : soit on adore, soit on déteste et on adore la détester. Son pseudo en lui-même annonce la couleur aux médias, elle est là pour donner du spectacle, des phrases marquantes, des images… les médias sont friands de ce côté show.

Son style  détonnant en fait un vrai produit marketing, Frigide Barjot s’est imposée comme une marque de fabrique de la Manif pour tous : t-shirt roses, slogans, images… Elle a réussi à incarner ce pléonasme de "conservatisme cool".
Sa limite c’est sa dimension apolitique, car le mouvement a pris de facto une dimension politique avec l’UMP et les groupes d’extrême droite. Les gens avaient besoin de savoir où elle se positionne politiquement, quelle est sa ligne.Lorsque les débordements ont commencé à être violents, Frigide Barjot a-t-elle suffisamment pris l'ampleur des conséquences ? A-t-elle une part de responsabilité dans la radicalisation du mouvement ?

Frigide Barjot est à l’initiative de ce mouvement, pourtant dès que les débordements ont commencés elle s’est mise à l’écart. Sa décision de ne pas aller à la manifestation du 26 mai est forte de sens en termes de communication, elle refuse d’être associée à des images négatives qui pourraient lui nuire. Cependant, elle n’a pas contribué à la radicalisation politique du mouvement, car elle-même connaissait les conséquences, c’est d’ailleurs pour cela qu’elle s’est écartée du mouvement. Avec le recul, on peut dire qu’elle a été le moteur de l’ambiance festive du mouvement. Après, il y a des tactiques politiques qui s’opèrent qu’elle en contrôle pas

Comment expliquer qu'une partie des opposants, notamment ceux qui veillent la nuit de façon pacifique, se soient désolidarisés du mouvement de la Manif pour tous ?
Son succès s’est basé sur la notion de conservatisme cool, S’il n’y avait eu que Christine Boutin le mouvement n’aurait pas été aussi fort. On ne pouvait pas traiter Frigide Barjot d’homophobe. Son côté "gay friendly", a pu désolidariser une partie des opposants plus radicaux qui ne se retrouvaient dans le personnage de Frigide.

Quel bilan Frigide Barjot peut-elle tirer de ce passage médiatique très fort ? A-t-elle un avenir un politique ?
Elle voudrait transformer ce coup médiatique en existence politique : transformer la Manif pour tous en avenir pour tous. Elle essaie d’utiliser sa force médiatique pour en faire une force politique, mais elle manque largement de crédibilité dans ce domaine. Ses soutiens sont peu nombreux dans le monde politique, car elle n’a pas le bagage suffisant, son historique est trop compliqué, ce n’est pas une femme politique au premier sens du terme. Son profil est trop hors des sentiers battus pour que son avenir en politique soit prometteur.

13 janvier 2013

De quel vide politique l’ascension de Frigide Barjot est-elle le reflet ?

INTERVIEW DANS ATLANTICO DU 13.01.2013. 


A l'occasion de la manifestation contre le mariage homosexuel ce dimanche, Frigide Barjot jouit d'une importance médiatique dont elle profite pleinement.
Atlantico : Ce dimanche est organisé une manifestation à l’initiative du collectif "La manif pour tous" qui rassemble une trentaine d’associations contre le projet de loi du gouvernement sur le mariage homosexuel. L'humoriste catholique Frigide Barjot, qui mène le collectif, semble être la figure de proue de l'opposition au "mariage pour tous". Comment expliquez-vous son ascension médiatique de ses derniers mois ? Cela vient-il notamment du fait qu'elle est la seule interlocutrice disponible pour les médias ? 

François Belley : Frigide Barjot est d’abord ce qu’on appelle une bonne « cliente ». D’aucuns reconnaissent en effet que le personnage est détonnant. Elle sait se mettre en scène et assurer au bon moment le fameux « spectacle » que les journalistes -en quête de l’audimat oblige- attendent toujours sur les plateaux TV. T-shirts à slogans, jupes courtes, tutoiement systématique, attitude franchement décontractée, prises de positions décalées, Frigide Barjot connait manifestement la (bonne) nourriture médiatique, la force des images tout en ayant toujours le sens des formules chocs pour faire mouche. Chez elle, tous les ingrédients sont là. Avec les journalistes, celle qui se définit comme « l’attachée de presse catholique » s’est d’ailleurs inscrite depuis peu dans la relation suivante : « J’assure le show. Et vous assurez mon existence médiatique donc politique en quelque sorte ». C’est du donnant-donnant ou plutôt du gagnant-gagnant et ce pour les deux parties. Assurément, Barjot est devenue un produit médiatique dans l’air du temps. Ensuite, à l’image de son pseudo, le style de Frigide Barjot est en rupture totale avec l’univers tradi et catholique qu’elle est censée incarner. Frigide Barjot a su en effet prendre le contre-pied de l’austérité reconnue de Christine Boutin et faire du « conservatisme cool » son positionnement stratégique. Cette opposition permanente qu’elle incarne et nourrit actuellement rend son personnage atypique donc forcément attractif aux yeux des médias et de son cœur de cible à droite. Sur un tel sujet sociétal, ça la positionne donc comme une figure de proue nouvelle et sensiblement différente. Ça plait, ça ne plait pas, là n’est pas la question. Force est de constater qu’elle sait et fait bien parler d’elle. 

Frigide Barjot n'a pas de responsabilité politique et demeure par conséquent plus libre de ses propos. Cela constitue-t-il un réel avantage dans sa stratégie de communication ?

François Belley : Son absence d’étiquette (pour l’heure) et son profil non politiques font surtout partis de ses forces actuelles lesquelles lui permettent, en plus d’une liberté de ton, de créer l’adhésion autour d’elle et de fédérer au-delà des partis. Ainsi, sa communication est astucieuse. On a l’impression d’avoir à faire à un nouveau type « d’Homme politique » avec une façon de faire de la politique totalement différente. Astucieuse, Frigide Barjot a surtout su faire d’un positionnement franchement « anti » un mouvement positif même festif avec la promesse de la manif « pour tous ». Pour autant, son ascension médiatico politique pose la vraie et seule question à mon sens du vide politique qu’elle est venue combler. Et donc de sa légitimité sur un sujet société jugé pourtant majeur au yeux du gouvernement en place.  Reflet de la société spectacle où le signe l’emporte trop souvent sur le sens, l’omni présence et le poids démesuré de Frigide Barjot sur cette proposition gouvernementale vient une nouvelle fois démontrer la crise du politique et mettre en lumière l’absence de personnages majeurs dans l’offre actuelle.

Au contraire, à vouloir trop en faire ou à parler trop franchement, ne risque-t-elle pas de braquer l'opinion contre sa cause ?

François Belley : Frigide Barjot va surtout continuer de nourrir son personnage. Autrement dit, continuer sans relâche à « vouloir trop en faire ou à parler trop franchement ». Car c’est son fonds de commerce, tout simplement. Chez elle, le « trop » est la norme. C’est ce qui attire en effet l’attention et suscite de l’intérêt. Ainsi, une normalisation à terme du personnage la ferait rentrer de facto dans le costume moins rosé et plus « moulé » du politique. Moins intéressant pour elle donc. Elle perdrait en effet tout ce qui fait aujourd’hui sa valeur ajoutée pour certains. Son personnage haut en couleur pourrait en revanche insuffler à terme une dynamique et, en cas de trop plein, passer le relais à un autre personnage aussi médiatique mais cette fois plus politique.

A long terme quel est l'objectif de la meneuse du collectif ? Comment peut-elle envisager l'avenir ?

François Belley : L’avenir et le poids « politique » de Frigide Barjot sont évidemment liés à la réussite ou non de cette manifestation, de la dynamique qu’elle saura ou non créer ces prochaines semaines mais surtout de son impact sur le projet de loi du Gouvernement. Il est évident que Frigide Barjot rêve en secret de rééditer le coup de 1984 lorsque la droite mobilisée dans la rue avait su faire reculer le gouvernement de Mitterrand sur le projet de loi sur l’école privée. Aussi, un retour en politique n’est pas totalement à exclure pour celle qui fit Science Po et qui s’est présentée -rappelons le-  aux élections municipales de 2008 à Paris. Celle qui publia en 2011 « Confessions d’une catho branchée » pourrait aussi en profiter pour changer l’image de l’église catholique en devenant par exemple la nouvelle égérie de sa prochaine campagne publicitaire. Puisqu’elle aime plus que tout être dans la lumière.