François Hollande a invité les
actrices Mélanie Laurent et Marion Cotillard en guest star dans sa
campagne pour le climat à Manille. Le publicitaire François Belley y
voit une dérive de la communication politique.
FRANCOIS BELLEY: Je ne suis plus étonné pas ce type de stratagème médiatique. Aujourd'hui, nous sommes dans une ère totalement assumée de politique spectacle - ou mieux de spectacularisation de la politique - où la forme doit l'emporter toujours sur le fond. C'est comme ça. Rien ne fait plus sens. Tout est signe partout et tout le temps! De fait, nous sommes en permanence dans un mélange des genres, entre le milieu du spectacle et celui de la politique. Actuellement, le showbizz fait de la politique. Et le politique assure le spectacle! A l'affiche, François Hollande et l'actrice Julie Gayet, Nicolas Sarkozy ou encore la chanteuse Carla Bruni, Cotillard et Laurent en voyage présidentiel: on est dans l'endogamie permanente.
A mon sens, c'est plus que jamais la défaite de l'imaginaire et de la parole politique, qui ont cédé le pas face à celui du spectacle médiatique. Un Lionel Jospin, marié à une philosophe, et ne maîtrisant pas la force de l'image, serait inconcevable aujourd'hui. On est passé du manque de fond à l'excès inverse. Le trop plein d'images! Alors quelle sera maintenant la prochaine étape? Un Georges Clooney à la française, téléguidé par des spin-doctors? Quel sera l'homme politique de demain? Un César du Cinéma? Ou plutôt un Oscar? Il est temps de redonner du sens à la politique et au politique. Plus que jamais, il faut un équilibre entre la forme et le fond du discours.
Y voyez-vous aussi une américanisation de la politique française?
En effet. On peut y lire une fois de plus la volonté de copier les méthodes de communication politique américaine. Aux Etats-Unis, le marketing politique est complètement assumé. On voit en effet un Barack Obama s'afficher sans complexe aux côtés d'un Sean Penn ou d'une Beyoncé. C'est devenu normal. En France, on essaie de faire comme les Américains, mais ça ne marche pas. Faute sans doute du sens inné et de la dimension «show off» du spectacle, on fait comme eux mais en moins bien. Ce co-branding (la marque Hollande en perte de vitesse associée à la marque Cotillard mondialement connue) manque cruellement de légitimité et de crédibilité. Les territoires des deux produits ne sont pas proches. On revient donc à la question de base. Si François Hollande avait eu l'autorité, le charisme attendu du Chef d'Etat, le leadership propre des hommes d'actions, aurait-t-il eu besoin de se «stariser» autant pour porter un message politique, fédérer autour de lui et gagner in fine l'adhésion. Je ne le pense pas.
N'est-ce pas un outil efficace pour intéresser les foules de plus en plus dégoutées de la politique traditionnelle?
Je ne le crois pas. Au contraire. Cette volonté d'être continuellement dans la course à l'image, où le signe l'emporte sur le sens est contre-productive, selon moi. C'est la mauvaise méthode, celle qu'il ne faut plus suivre. C'est devient de «la com'», et non plus de la communication. Car on ne retient que l'image -Marion Cotillard- et pas le fond-: à savoir, le problème sérieux du climat.
Dans le contexte d'un pays en pleine crise de défiance politique, il aurait été,selon moi, beaucoup plus intéressant et audacieux de voir le président de la République s'entourer de chefs d'entreprises, de leaders d'opinions, de membres du milieu associatif, voire même de l'opposition. Les Français attendent de la sobriété et du sérieux, de l'action et du courage. Compte tenu de cette crise, il y urgence à revenir à l'essence même du politique: les idées, le style et le projet d'abord, qui contrairement à la communication, relève de l'action, du panache et de la prise de risque. Sinon on reste comme aujourd'hui, bien trop souvent dans le gadget: la marinière de Montebourg, la tunique de Ségolène Royal, et aujourd'hui des actrices pour parler du climat. La communication devient le spectacle. Et devant ce mauvais spectacle, maintenant, la salle s'en va!