Il agresse
beaucoup, agace souvent, amuse parfois, mais qu’on le veuille ou
non, J.L Mélenchon assure LE « Spectacle » depuis sa séquence
réussie de l'élection présidentielle. Résultat : un classement
régulier dans le top 10 des "trending topics", une OPA sur
les bandeaux d'"actu" de BFMTV et des audiences record lors
de ses représentations, qu'elles prennent la forme de "tutos"
Youtube, de "happenings" de rue ou de meetings en
hologramme où les curieux se mélangent maintenant aux militants
pour assister in vivo au « Mélenshow - saison 2 ». Depuis son
départ éclair du Parti Socialiste en 2008, J.L Mélenchon, à
l’appui d’une stratégie de communication bien ficelée, est
devenue une marque arrivée à maturité : celle d’une offre
politique à la fois « hors linéaire » mais cette fois crédible
(versus 2012) de par son score élevé à l'élection présidentielle
et sa victoire à la députation. J.L Mélenchon postule donc
naturellement à la place de premier opposant. Il a pour l'heure
celle, indiscutable, de L'OPPOSITION SPECTACLE. Voici pourquoi.
-
D’abord, « l’homme » Mélenchon s’inscrit dans
une conjoncture de crise-continue, et particulièrement
aiguë, toujours propice à l’émergence de personnalités fortes,
à la fois « grandes gueules » et « anti-establishment », donc
volontiers « populistes ». Candidat miroir, J.L. Mélenchon a
su très vite sentir l’air du mauvais temps pour s’approprier un
territoire de marque spécifique, celui de la « révolte », de la «
colère » ou encore de « l’indignation », lui permettant de se
positionner clairement sur le marché comme LE candidat hier « anti
système », aujourd'hui "insoumis". Dès lors, chez lui,
tout est fait, en permanence, pour nourrir l’image de "l'opposant
à" et incarner ainsi la promesse de son parti d'antan « faire
front » sur lequel il a construit sa marque. D’abord, sa posture
physique, de nouveau soigneusement agressive, laquelle est
symboliquement bien illustrée par le « doigt pointé » redevenu
depuis la présidentielle « son » signe distinctif. Ensuite, ses
répliques chocs et imagées, lesquelles visent moins à « clouer le bec » de ses interlocuteurs que marquer les esprits pour être
massivement reprises par les réseaux sociaux et les chaînes d'info
en buzz-continu. Enfin, ses cibles privilégiées, en premier lieu
desquelles le Président E. Macron, les députés de l'actuelle
majorité et les journalistes de terrain qui ont remplacés les
banquiers et les sondeurs qu'ils souhaitaient voir jadis « tous s’en
aller ». JL. Mélenchon refait donc du Mélenchon (pré-campagne) et ré-occupe le
même positionnement que, dans les années 90, B. Tapie et de J.M Le
Pen, ces deux « jumeaux du populisme » qui ont assuré, en leur
temps, le « spectacle politique » en défendant, à grands coups
d'éclats médiatiques, ceux « qui ne sont rien » et qui attendent
tout.
-
Ensuite, Jean-Luc Mélenchon est ce qu’on appelle dans le milieu
journalistique, un très bon client, homme d’image, de
communication comprenant et maîtrisant comme personne les médias,
leurs codes, leur univers et fonctionnement. Avec J.L. Mélenchon
en effet, la petite phrase (celle qui va faire mouche le Jour J, être
reprise par le fil Twitter des journalistes pour créer l’événement
autour du personnage), si elle est souvent attendue, est toujours
donnée avec une extrême générosité. Aussi, même si l’ancien
socialiste s’amuse à taper en permanence sur les journalistes, ces
derniers s’inscrivent paradoxalement avec lui dans une relation
moins masochiste que « gagnant-gagnant ». Chez J.L Mélenchon, le
succès tiendrait donc, selon moi, davantage à la forme soignée
qu’au contenu même de son discours. Car au fond, c’est son style
direct et sans concession qui intéresse et rend le personnage aussi
attractif. Bousculant les codes, pourtant plus que jamais en vigueur,
du politiquement correct, le leader des « Insoumis » met, lui, les
pieds dans le plat. Aussi, à l'heure du renouvellement des têtes et
du "Dégagisme" qu'il peut craindre à son tour, J.L.
Mélenchon doit apparaître sur le marché comme neuf, vrai mais
surtout authentique, autrement dit comme "les gens" qu'ils
qualifient ainsi avec son parler vrai et son discours imagé sorti
tout droit du café du commerce. Pour exister, J.L. Mélenchon a
conscience qu'il doit gagner avant tout la bataille de la forme. Il
sait qu'avec l'arrivée de Macron en effet, le clivage gauche-droite
n'existe plus. Que le PS a explosé. Que les Républicains sont
divisés. Et que 7 groupes désormais existent à l'Assemblée. Pour
l'heure donc, l'opposition est une affaire de forme, et uniquement de
forme.
- Enfin,
J.L Mélenchon est un excellent orateur, un tribun fantasque et
génial, sans aucun doute (depuis le retrait J.M. Le Pen ) le
meilleur de l’actuelle scène politique. Sur les « planches »
de la politique française, et aujourd'hui sur celles de l'Assemblée
Nationale, J.L Mélenchon tient la rampe comme personne et porte à
merveille le masque de l’acteur jouant son texte avec talent. En le
vivant et en étant ainsi habité, J.L Mélenchon paraît sincère
donc crédible. Comme disait D. Diderot : « les comédiens font
impression sur le public, non quand ils sont furieux mais quand ils
jouent bien la fureur ». Et J.L. Mélenchon joue bien la fureur.
Il a compris que les Français ne s’intéressaient pas à la pièce,
non parce que le texte n’était pas bon mais bien parce que le jeu
de ses acteurs était franchement mauvais. Alors comme au théâtre,
J.L Mélenchon s’attache à soigner la forme de toutes ses
interventions en gardant une constance, celle du candidat écorché
vif, énergique et volontiers agressif (avec ses interlocuteurs,
"matheux" compris), autrement dit des traits contribuant à
nourrir à la fois son positionnement mais surtout son charisme : la
carte n°1 pour plaire dans "l'ère-Spectacle". Aussi, pour marquer les
esprits et « accrocher » son auditoire, J.L Mélenchon peut compter
à la fois sur sa posture physique de combat (le poing levé, le
doigt pointé et le regard vif), de mâle dominant et son talent
d’orateur. Depuis la Place de la République qu'il a trusté pour
en faire QG, J.L. Mélenchon harangue puis réveille les foules en
excellant dans l’art de la formule, du détournement mariant à la
fois l’agressivité et l’humour générateur à la fois de désir
(d’action) et de sympathie autour du personnage qui de fait devient
digne d’intérêt. Lorsqu'il reste assis à l'Assemblée, lorsqu'il
n'applaudit pas, J.L Mélenchon crée l'événement. Il crée même
l'événement lorsqu'il est absent (comme au Congrès de Versailles),
c'est dire comme il occupe grandement l'espace politico-médiatique,
avec ou sans cravate.
En réalité, J.L Mélenchon est l'archétype de la "politique spectacle". Il fait l'écho à l’image de la société d’ultra communication dans laquelle nous vivons, « une société spectacle » où le signe fait sens et où la forme l’emporte bien trop souvent sur le fond. C'est ce qui explique aujourd'hui le succès de la marque "Mélenchon" qui ne doit pas décliner.
RIDEAU.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire