Contrainte,
forcée ou souhaitée, cette tendance "à dégager"
(volontairement ou non) illustre une nouvelle ère : celle du
renouvellement produit à tout prix, constatée il y a quelques
années déjà dans l'univers de l'entreprise. Exit les partis, les
caciques et les professionnels de la politique, l'époque veut voir
du neuf. Autrement dit, des nouveaux visages. Sarkozy et Juppé ont
été sortis par l'air du temps. Cambadélis, NKM, Duflot ou Hamon
ont été balayés par les urnes. Fillon et Bayrou ont été
remerciés par les affaires. Quant à Raffarin, il a déclaré
forfait, conscient qu'il fallait, à un moment donné, vivre aussi
avec son temps. La primaire, la Présidentielle
comme les Législatives ont été sans
appel pour les professionnels de la politique. Les derniers qui
restent sont prévenus pour les municipales de 2020. Leur destin est
d'ores et déjà écrit.
Pour plaire
au marché désormais (comprendre les médias puis l'électeur), il
faut être jeune, venir de la société civile (avoir un métier est
un plus) et surtout être inexpérimenté en politique (pas de passé
partisan, surtout pas de fonctions électives), synonyme de vrai
changement, de modernité et d'honnêteté. Paradoxe de notre époque,
ce non professionnalisme devient aujourd'hui un gage de
professionnalisme et de confiance. Un agriculteur élu : ça le fait.
Une infirmière élue inspire confiance. Un jeune élu est symbole
d'espoir. C'est le profil qui prime, plus la compétence. Puis
l'histoire est belle. Une nouvelle fois, ça fait vendre.
À
la surprise presque générale, ont émergés ces dernières semaines
un président de la République de 39 ans, jamais élu auparavant ;
un ministre d'État ancien présentateur TV ; un député
mathématicien de profession ; une autre députée commerçante à la retraite
devenue chroniqueuse radio ; enfin un dernier député, de 23 ans d'âge, qui
fait de parlementaire son premier job. Dans une époque pas si
lointaine, avant de fouler les marches de l'Assemblée ou celles plus
hautes de l'Élysée, on
passait cahin-caha par toutes les étapes de la vie politique.
Aujourd'hui c'est fini. À
l'ère "start-up" où l'on
passe de stagiaire à DG en 6 mois, les profils
"atypiques" et les parcours éclairs (donc plus vendeurs)
sont les bienvenus. C'est comme ca : c'est le diktat du
neuf et du court terme.
Aujourd'hui,
le changement présenté comme révolutionnaire passerait en premier
lieu par un changement de casting, un peu comme dans les médias où
la rentrée de septembre voit toujours venir de nouveaux
présentateurs pour relancer ou donner un peu de fraîcheur à des
émissions de TV ou de radio en perte de vitesse. La règle du jeu de
la chaise musicale est connue car rodée. La forme est capitale en
politique, dans l'univers des marques également. Le packaging
change. Le produit reste le même. Or, depuis la Grèce Antique et la
naissance de la politique, il y a une constance, valable aussi dans
le monde de l'entreprise.
- Pour
faire de la politique, il faut d'abord "être"
politique. Autrement dit,
savoir
gérer le pouvoir, les hommes, les promesses et le principe de
réalité. Attention
aux élus
affectifs, sincères, et loyaux, "être politique" est un
vrai métier et à plein temps.
- Pour
faire de la politique, il faut ensuite "connaître"
la politique. Car à l'instar
de l'agriculture ou des mathématiques, la
politique est un univers à part avec ses codes et ses règles du
jeu. Tous les sortants le savent. En politique, il faut savoir
"parler" la politique. Tel le poker et
l'univers du jeu, la politique a une langue, surtout un langage avec
ses éléments, avec des temps de parole et de silence dans des
moments clés. Chevènement l'avait même théorisé : " Un
ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule".
Attention aux élus grandes gueules, passées ou non chez RMC, toute
vérité n'est pas bonne à dire. En politique, il convient de
connaître la vérité d'un jour mais également les logiques
d'appareil, les rapports de force, le jeu des contre- pouvoirs, les
effets d'annonce ou l'art des alliances, pour ne pas être seulement
in fine le mirage d'une séquence, l'archétype d'une époque ou pis,
le pion d'une majorité ou d'un Président, passé maître du
placement de produit. "Connaître" la politique" est
donc un vrai métier et à plein temps.
- Pour
faire de la politique, il faut ensuite "vivre"
la politique. Autrement dit,
vivre au rythme qu'impose la fonction d'élu qui vous fait passer,
comme la téléréalité, de
l'ombre à la lumière, vous et votre famille, vous et votre passé
sous toutes ses formes. Contrairement aux autres
métiers moins exposés, il n'y a pas de pause en politique, pas de
temps morts, pas de off. En politique, il faut savoir gérer l'art de
la représentation continue, le poids des mots et des formules, l'art
du déplacement et du protocole. En politique, la bourde est au
bout de la phrase. Le bad buzz à la phrase suivante.
Surtout, en politique, tout est politique : un regard, un silence,
une posture, un sourire, une poignée de main, un soufflement, un
nœud de cravate. Tout est vu, analysé et relayé. C'est ainsi :
c'est l'ère des commentateurs et autres experts qui suivent un autre
rythme, celui effréné des chaînes d'infos. Contrairement à ce
l'on pense, la politique, ce n'est pas comme dans la vraie vie.
"Vivre" la politique" est un vrai métier et à plein
temps.
Depuis la
séquence Macron, le politique a changé, tout du moins son visage. Et c'est ce que les
Français voulaient. Mais la façon de faire, c'est-à-dire le cadre
institutionnel dans lequel il évolue, lui, est resté le même. A mon sens, ce n'est pas le présentateur qu'il faut changer, pas même l'émission
qu'il convient de relifter le temps d'une saison mais bien le support carrément qu'il convient
de repenser. Ce n'est pas une histoire d'homme, de femme, de jeune,
de costume ou de cravate. C'est une histoire de système. Les vieux routards
de la politique le savent. La politique est un métier,
définitivement. Et si ça ne change pas vraiment sur le fond, ces
vieux de la vieille seront en embuscade. Car en politique, on ne meurt jamais. C'est une histoire de nature aussi.
RIDEAU.
RIDEAU.
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